TRAVAIL DU DIMANCHE : INEFFICACE, DANGEREUX ET NEFASTE.


En pleine crise économique et sociale, la droite poursuit la déréglementation du droit social. Après l’annonce dans les Ardennes de l’extension des contrats précaires, après le vote en catimini d’un amendement ouvrant la voie à la retraite à 70 ans, le Président de la République s’attaque aujourd’hui au travail dominical, qu’il veut étendre. C’est ainsi qu’à sa demande, une proposition de loi a été inscrite à l’ordre du jour en juillet dernier. Retirée puis réinscrite à plusieurs reprises du fait des atermoiements de l’UMP, le Président de la République veut aujourd’hui passer en force. Certes devant l’opposition des organisations syndicales, la mobilisation et de la Gauche et de ses élus, l’hostilité du petit commerce et de l’artisanat le gouvernement a réduit le nombre de dimanche travaillés. Mais ne nous y trompons pas : il s’agit d’un simple repli tactique. L’objectif du Président de la République reste le même.

 Une réforme inefficace économiquement
– Personne ne croit à une quelconque relance de la consommation en généralisant le travail dominical. C’est le pouvoir d’achat qui génère la croissance, et celui-ci est d’abord commandé par les salaires. Une étude de l’OFCE sur le cas allemand montre que l’ouverture des magasins le dimanche n’a modifié ni les comportements de consommation, ni les comportements d’épargne. Au contraire, la généralisation du travail dominical détruirait de l’emploi, en pénalisant les petits commerces qui emploient à chiffre d’affaires égal, trois fois plus de salariés que dans les grandes surfaces : seules les grandes enseignes auraient en réalité les moyens financiers et humains de faire travailler ainsi leurs salariés, ce qui créerait une situation de concurrence déloyale très défavorable aux petits commerçants et aux artisans. De l’avis d’une majorité d’experts et des organisations syndicales et patronales représentant les PME et les petites entreprises, ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui seraient ainsi menacés dans le petit commerce.
L’ouverture des commerces le dimanche, c’est donc paradoxalement la certitude d’une augmentation des prix. Les surcoûts des charges fixes et les éventuelles majorations de salaires seraient évalués à 4 ou 5% pour tous les consommateurs, y compris ceux achetant en semaine. Ouvrir un dimanche coûte trois fois plus cher qu’ouvrir un jour de semaine à cause des charges salariales, des frais de communication, ou des charges de fournisseurs augmentées par les prestations dominicales.
Une réforme dangereuse pour les salariés
Le discours sur le volontariat des salariés est inacceptable. Dans le secteur, le taux de syndicalisation est de l’ordre de 2% et montre l’impossibilité de la vérification du volontariat. Particulièrement en période de crise économique, la subordination du salarié à son employeur est évidente et les éventuels chantages à l’emploi réduisent à néant toute liberté de choix des salariés, notamment au moment de l’embauche.
Elle l’est encore plus dans ce secteur du commerce qui cumule emplois précaires, saisonniers, à temps partiel, peu qualifiés et très féminisés. L’idée trop largement répandue d’un salaire doublé le dimanche est fausse et les majorations de salaire sont parfois inexistantes, variables selon les cas, atteignent rarement 100 % et vont au-delà exceptionnellement. Le projet de loi ne prévoit aucune généralisation de la majoration.

Si la loi instaurant le repos dominical remonte à 1906, elle trouve ses fondements dans un droit conçu d’abord pour les plus modestes et a traversé le temps simplement parce qu’elle est juste. La vie s’est organisée pour que les associations, le sport, la culture, la famille, entre autres trouvent leur espace-temps le plus souvent le dimanche. Ce jour n’est pas comme les autres et ne saurait le devenir.
Le travail le dimanche, au service de quelques intérêts particuliers, pénalisera d’abord les femmes, souvent les plus concernées. Il tuera le petit commerce au profit des grandes surfaces. Il pénalisera le lien social, déjà fragile particulièrement dans les grandes agglomérations visées. Il consacre un modèle de société centré sur le « Dieu consommation », et l’épanouissement individuel ne se résume pas à la satisfaction du besoin de consommer.

Mener la bataille d’opinion
Toutes les organisations de salariés sont contre. Les syndicats de salariés (CGC, UNSA, CFDT, CGT, CFTC, FO…) sont contre toute déréglementation du travail dominical et pointent du doigt les répercussions néfastes que cela pourrait avoir sur l’économie et la société française. Dans la même veine, les associations familiales (UNAF) mais également les institutions religieuses ont souligné leur opposition à une extension du travail le dimanche.
La plupart des organisations patronales sont contre. La grande distribution, pourtant « gagnante » avec un tel projet, est elle-même, loin d’être enthousiaste sur le sujet : « Nous n’avons pas besoin d’ouvrir le dimanche, il n’y a pas de demande », constatait le Directeur d’une grande marque de distribution française. L’Union Professionnelle Artisanale (UPA), la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH), la confédération de l’alimentation en détail (CGAD) ou encore la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME) : toutes analysent l’ouverture des commerces le dimanche comme destructrice d’emplois.
S’agissant du grand public, une bataille d’opinion, à grand renfort de sondages, est clairement engagée. La gauche doit y prendre toute sa part, c’est notre meilleure arme pour faire reculer le gouvernement. Car si les Français sont favorables en tant que consommateurs –comment en serait-il autrement-, ils sont majoritairement défavorables en tant que salariés.
Ainsi, un récent rapport du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), qui relativise une nouvelle fois l’intérêt de l’ouverture des commerces le dimanche : une enquête réalisée en septembre 2008 montre que 52% des personnes interrogées sont pour une ouverture des magasins le dimanche ; 61% refusent de travailler ce jour-là ; et les personnes qui ont des proches travaillant dans le commerce sont opposées à l’assouplissement…

3 Réponses

  1. Bonjour M. Vicot,

    Je suis assez circonspect sur la question, je ne peux avoir sur ce sujet un avis aussi tranché que le vôtre. Il est relativement clair que la majorité des français est plutôt pour l’ouverture des magasins le dimanche. Mais qu’en est-il des travailleurs eux-mêmes ? Vos chiffres n’offrent malheureusement pas de position claire. Le débat ne porte que sur le commerce, ce qui est le fond du discours communisant du PS.

    Il serait certainement utile de réagir d’une autre manière : si le dimanche est aussi sacré pour vous, pourquoi faire rouler les trains ce jour-là et pourquoi alors ces fonctionnaires sont obligés de travailler ? Pourquoi les commerces de proximité sont ouverts le dimanche matin ? Pourquoi beaucoup d’usines travaillant en 5X8 produisent le dimanche ? Ces exemples peuvent être multipliés à l’envie.
    On peut citer de très nombreux exemples de services publics ou privés qui sont d’astreintes ou au travail le dimanche.

    L’exemple allemand que vous prenez pourrait être contredit par le modèle anglais où dans les grandes villes touristiques (ce qui est à l’étude en France !! Seulement 4 métropoles sont concernées), le travail dominical est de mise. Notre pays n’est-il pas le numéro 1 en matière de tourisme ? Là aussi, avec de si grands atouts, nous passons à côté d’une modernisation de notre société indispensable dans le monde actuel. Eh oui, on en revient toujours à la mondialisation de l’économie que tous les pays du monde doivent affronter sous peine de laisser ses citoyens dans le ruisseau.

    Laisser le choix à un salarié serait la bonne solution, mais ne nous cachons pas la vérité, cela sera difficile à respecter (à moins de l’inscrire dans le marbre…).

    Cordialement,

    David

    NB : Enfin bon, heureusement que certains peuvent encore s’acheter des montres à 50 000 euros, où en serait notre économie si l’achat compulsif n’existait pas…

    • Bonjour David,
      Hormi l’ensemble des arguments présents dans cet article il en est un – et à mon sens un des plus forts – que je n’ai pas développé, mais seulement juste effleuré. Je demande seulement que l’on réfléchisse à ce que serait (je n’ose dire sera) une société où aucun moment moment personnel ne serait laissé aux individus qui la composent. Pas de temps pour la culture, pour les promenades, pour la famille, pour le bricolage, pour les loisirs, pour la lecture, pour les enfants qui en ont tant besoin… et aussi pour ne rien faire ! Et cela pourquoi ? Pour consommer, acheter, travailler (plus) pour gagner (la même chose), au profit des mêmes. Est ce que la notion de qualité de vie, de bonheur d’être ensemble effleure ceux qui nous inventent ce genre de mesures ? Est ce que travailler sept jours sur sept jusqu’à soixante-dix ans est une perspective de PROGRES de la société ? Je pense sincèrement que non. Et je crois que le rôle de la politique est précisément d’inventer les moyens du bonheur et du progrès.
      Cordialement
      RV

  2. Bonjour,
    allons-y, poussons le raisonnement à l’absurde. Ouvrons les magasins le dimanche. Alors les gens se diront peut-être aussi : j’aimerais aller à la Poste, à la Préfecture ou à la mairie. Donc on ouvre aussi les services publics le dimanche. Dans les entreprises on dira : attendez, les autres travaillent et nous devrions accepter une journée chômée ? Que nenni, nous aussi nous voulons travailler le dimanche. Et on s’y met. Les parents travaillent, que faire des enfants ? Il faut les accueillir à l’école ! Et tout le monde travaille, et plus personne ne va dans les magasins le dimanche. C’est alors qu’on entend les propriétaires des magasins s’exclamer : mais on paie nos gens à ne rien faire, nous voulons fermer les magasins le dimanche !
    Cherchez l’erreur !

Laisser un commentaire